mercredi 3 décembre 2008

Responsabilité, Capacité, Equité

Telle doit être la devise du nouvel accord international sur le climat.

Les trois mots sont au cœur de nombreux débats au sein de la conférence de Poznań, avec autant d’enjeux en filigrane, en particulier pour les Pays en Développement.

Le Rapport de Paul Baer et Tom Athanasiou d’Ecoequity et Sivan Kartha du Stockholm Environnement Institute, avec le soutien de Christian Aid et de la Fondation Heinrich-Böll, qui place ces trois paramètres au cœur d’une étude, mérite d’être analysé plus en détails.

Lorsque la plupart des commentaires sur les négociations précédentes restaient sur une vision très « clivée » du problème des GES, opposant dans une logique de bloc quelque peu manichéenne pays développés contre pays en développement, cette étude prend en compte les évolutions liées au développement.
La carte des grands émetteurs s’est en effet profondément transformée, et au sein du groupe des pays en développement (grosso modo le G77), le souci de la différenciation doit, à l’instar d’une lentille correctrice, venir atténuer les disparités qui règnent.

Donc non, Botswana et Chine, pas même combat, (elle nous en apprend des trucs !) puisque cette dernière a remporté en 2007 le triste trophée du premier émetteur de GES de la planète, devant les États-Unis.
Le tiercé (gagnant ?) Responsabilité/Capacité/Equité prend donc tout son sens, esquissant un cadre de réflexion novateur, proposant des critères à cette différenciation.

Responsabilité. Qu’entend-on par la ? Pour certains il s agit des émissions cumulées de CO2, entre 1990 et 2000, d’origine fossile. Mais on parle également de responsabilité historique, puisque les pays développés ont commencé à émettre dès 1850, et que ces émissions ont elles aussi évidemment contribué à la situation que nous connaissons aujourd’hui (mais que celui qui n’a jamais péché par ignorance jette la première pierre – le 1er rapport du GIEC date, comme le soulignait Augustin, de 1990-).

La capacité concerne quant à elle le seuil de développement humain et le PIB par habitant. A partir de ce postulat, l’initiative Greenhouse Development Right (en français DDMCC – Droit au Développement dans un Monde sous Contrainte Carbone) a fixé ce seuil à 20 dollars par jour. Et en croisant les données, ils ont élaboré un nouvel outil : l’ICR (Indice de Capacité et de Responsabilité, qui croise toutes ces données).

Grâce à cet ICR, il est possible de fixer des objectifs de réduction d’émissions en fonction du pourcentage de la population au dessus de ce seuil de développement de 20 dollars/jour. Ainsi on demanderait une contribution pour financer les mesures de réduction des émissions aux classes moyennes et riches du monde entier. Il va de soi qu’en utilisant cet indice, les pays du Nord resteraient les principaux contributeurs : aux Etats-Unis, près de 95 % de la population se situe au-dessus du niveau de 20 dollars par jour, contre environ 5 % en Inde, mais surtout 20 % en Chine.
Ce qui permet par exemple que la sans cesse grandissante classe moyenne chinoise ne soit pas un passager clandestin de la lutte contre les CC.

En effet, à la fois en ce qui concerne les émissions et les revenus, au niveau global, les disparités sont éloquentes, et elles mènent à une forme de catégorisation nouvelle au sein des pays en développement ; en intégrant la variable « inégalités sociales », on sort donc de l’opposition Nord/Sud pour aller vers une nouvelle typologie :

On a donc quatre « types » de pays en développement qui se détachent :
• les nouveaux pays industrialisés
(ex : Corée du Sud, Qatar, Arabie Saoudite, Singapour),
• les pays en développement à croissance rapide
(ex: Argentine, Brésil, Malaisie, Chine),
• les autres pays en développement
(ex : Bolivie, Inde, Kenya, Maroc),
• les pays les moins avancés (ex : Bénin, République Démocratique du Congo, Burkina Faso, Mali).

En changeant de paradigme, on aborde donc la responsabilité vis-à-vis du changement climatique sous cet angle du droit au développement. En fonction de l’ICR, les Etats se verraient imposer des « obligations à agir » via les actions d’atténuation. D’où la mise en place d’allocations d’émissions de GES, qui seraient négatives pour les pays développés. En d’autres termes, une grande part de l’atténuation à réaliser dans les pays du Sud doit être rendue possible par le Nord.

Paul Baer, un des experts à l’origine du projet, résume l’esprit du GDR en ces termes : « Les personnes situées au-dessus de ce seuil ont réalisé leur droit au développement et ont la responsabilité de préserver ce droit pour les autres".

Expliquer le fil de cette réflexion en quelques lignes relève d’un challenge, et il est vraiment intéressant de s’y attarder davantage (vous trouverez le lien ci-dessous). Quoi qu’il en soit, Brice Lalonde a qualifié cette étude, aussi idéaliste soit-elle, de boussole pour les négociations de Poznań. Affaire à suivre, donc.

La page dédiée aux Droits au développement dans un monde-serre, en anglais Greenhouse Development Rights (GDRs) : www.ecoequity.org/GDRs
En français, publications sur le site du Réseau Action Climat : www.rac-f.org

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous vous laissez entrainer par l'argutie européenne qui veut a tout prix echapper a l'obligation clairement annoncée par les chinois d'une contribution de 1% du produit national brut de l'Europe consacré au financement des actions contre les gas a effet de serre en asie.
http://www.chinadialogue.net/article/show/single/en/2560-China-s-post-Kyoto-roadmap

Seb a dit…

Le principe du "Droit au Développement dans un Monde sous Contrainte Carbone" n"est pas de faire echapper les pays developpes a leurs responsabilites.

Les documents auxquels Anne Lise nous renvoit sont tres exigeants concernant la participation de l'Europe et de l'Amerique du Nord dans un effort global de reduction des GES, prevoyant a la fois une reduction drastique des emissions domestiques et un engagement financier important pour aider les pays comme la Chine a stabiliser sur un plus long terme leur contribution au probleme.