Le titre est clair, le titre dit tout ce qu’il faut comprendre. Selon le dernier rapport du GIEC (AR4, 2007), le point de non-retour de la déforestation sera atteint d’ici 7 ans. Cela signifie concrètement que si la communauté internationale n’agit (très) rapidement pour réduire voire arrêter la déforestation et la dégradation des forêts alors ces dernières « poumon de la planète » seront irrémédiablement détruites. Or, d’une part, les forêts sont d’immenses réservoirs de biodiversité, des espèces nouvelles sont découvertes chaque jour en Amazonie, et dans les autres forêts tropicales et équatoriales. Et surtout d’autre part, elles sont d’immenses réservoirs de carbone, les brûler et les détruire entièrement conduiraient alors à libérer tout le carbone qu’elles contiennent et ne joueront également plus leur rôle de capture du CO2.
Cette destruction entraînera donc non seulement une perte substantielle de la biodiversité, mais également donc une augmentation très importante de la quantité de CO2 présente dans l’atmosphère terrestre.
Les États-membres à la convention, conscients de cet état de fait ont décidé de la création lors de la CoP de Bali en 2007 du groupe REDD (reduction of the emissions by deforestation and degradation). Les négociations au sein de ce groupe laissent comme à chaque négociation place à une foire telle la place du marché, une enchère au plus ou moins offrant, à celui qui fera le plus de concessions. Bien entendu, l’idée de faire une concession volontaire pour protéger l’environnement n’a pas effleuré l’esprit des négociateurs et des États-membres, c’est la raison pour laquelle a été créé un système gagnant-gagnant…
Le système de protection des forêts mis en place consisterait à intégrer celles-ci dans le futur marché mondial du carbone. La forêt, selon sa capacité de stockage, aurait alors un prix qui serait payé par les pays industrialisés pour qu’eux puissent émettre des GES et que les pays en développement (principaux détenteurs des forêts d’importance) puissent utiliser cette manne financière pour arrêter la déforestation et permettre un développement soutenable de ces pays.
Tout cela semble parfait, les uns y gagnant autant que les autres, mais il faudrait cependant apporter trois critiques :
- La première critique que l’on peut apporter est celle reposant sur la viabilité et la fiabilité systémiques des marchés financiers. Les cycles de Kondratiev sont connus, tous les 8 ans une crise financière majeure intervient. La Crise actuelle et huit ans auparavant l’explosion de « la bulle internet » en 2000 sont là pour nous le rappeler ; les marchés financiers ne sont pas fiables. Pouvons-nous laisser exploser dans quelques années une « bulle carbone » qui réduirait à néant tous nos efforts pour durabiliser les sociétés et l’économie mondiales ?
- Le second problème qui se pose est celui du coût du CO2. Par le biais d’un jeu d’offre et de demande organisé sur un marché spécifique (comme Bluenext en Europe), la tonne de carbone serait côtée comme une action ou un baril de pétrole (!). Ainsi, des émetteurs de gaz à effet de serre (comme des industries, ou des États) pourraient acheter des tonnes de CO2 à des pays ou des industries qui en auraient émis moins que leur quota ne les y autorisaient. Mais que se passerait-il si en plus des quotas offerts aux États et aux industries, on ajoutait la capacité d’absorption du CO2 des forêts des pays en développement ? Sachant que la déforestation représente 25% des émissions globales, le coût de la tonne ne serait-il pas directement affecté à la baisse ? Encore une fois, nos efforts ne seraient-ils pas réduits à néant ?
- Enfin, il faut se rappeler l’intérêt du protocole de Kyoto de 1997 et de la Convention Cadre signée à Rio en 1992. L’objectif originel est de réduire de manière drastique les émissions de gaz à effet de serre à l’origine des changements climatiques pour éviter que le réchauffement climatique n’atteigne le seuil fatidique et critique de 2°C d’augmentation. De ce fait, la dernière et majeure question qu’il convient de se poser est liée au fait que le jeu économique mis en place par le marché du carbone est à somme nulle. C’est-à-dire qu’un émetteur achète une tonne à un capteur de carbone, au final, il n’y a pas de réduction réelle des émissions de GES anthropiques (d’où une somme climatique nulle). Par conséquent, l’objectif potentiel et minimal de réduction de 20% des émissions de GES à l’horizon 2020 semble donc très loin et dur à atteindre. Un tel marché économique à somme nulle conduit à s’interroger sur l’ineffectivité finale du système pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Dans le domaine des changements climatiques, il n’y a pas deux personnes dans le couple économique, pas seulement un pays émetteur et un pays capteur, mais un pays émetteur, un pays capteur et enfin et surtout l’environnement et la génération qui vient après la nôtre ! La régulation écologique par le biais de la finance conduit logiquement et légitimement à se poser des questions tant d’un point éthique et moral que d’un point de vue économique et systémique. Il ne reste plus qu’à espérer que ces questions seront posées lors des discussions concernant le REDD.
Genèse de l'idée de l'article : le train Berlin-Poznan est un lieu de rencontres exceptionnelles, avec mon ami Ronny (Allemand du board de BundJugend) nous avons eu la chance de partager 4 heures de train en compagnie d'un expert américain travaillant avec la nouvelle administration américaine sur les questions de climat : Obama et Al Gore !
Cette destruction entraînera donc non seulement une perte substantielle de la biodiversité, mais également donc une augmentation très importante de la quantité de CO2 présente dans l’atmosphère terrestre.
Les États-membres à la convention, conscients de cet état de fait ont décidé de la création lors de la CoP de Bali en 2007 du groupe REDD (reduction of the emissions by deforestation and degradation). Les négociations au sein de ce groupe laissent comme à chaque négociation place à une foire telle la place du marché, une enchère au plus ou moins offrant, à celui qui fera le plus de concessions. Bien entendu, l’idée de faire une concession volontaire pour protéger l’environnement n’a pas effleuré l’esprit des négociateurs et des États-membres, c’est la raison pour laquelle a été créé un système gagnant-gagnant…
Le système de protection des forêts mis en place consisterait à intégrer celles-ci dans le futur marché mondial du carbone. La forêt, selon sa capacité de stockage, aurait alors un prix qui serait payé par les pays industrialisés pour qu’eux puissent émettre des GES et que les pays en développement (principaux détenteurs des forêts d’importance) puissent utiliser cette manne financière pour arrêter la déforestation et permettre un développement soutenable de ces pays.
Tout cela semble parfait, les uns y gagnant autant que les autres, mais il faudrait cependant apporter trois critiques :
- La première critique que l’on peut apporter est celle reposant sur la viabilité et la fiabilité systémiques des marchés financiers. Les cycles de Kondratiev sont connus, tous les 8 ans une crise financière majeure intervient. La Crise actuelle et huit ans auparavant l’explosion de « la bulle internet » en 2000 sont là pour nous le rappeler ; les marchés financiers ne sont pas fiables. Pouvons-nous laisser exploser dans quelques années une « bulle carbone » qui réduirait à néant tous nos efforts pour durabiliser les sociétés et l’économie mondiales ?
- Le second problème qui se pose est celui du coût du CO2. Par le biais d’un jeu d’offre et de demande organisé sur un marché spécifique (comme Bluenext en Europe), la tonne de carbone serait côtée comme une action ou un baril de pétrole (!). Ainsi, des émetteurs de gaz à effet de serre (comme des industries, ou des États) pourraient acheter des tonnes de CO2 à des pays ou des industries qui en auraient émis moins que leur quota ne les y autorisaient. Mais que se passerait-il si en plus des quotas offerts aux États et aux industries, on ajoutait la capacité d’absorption du CO2 des forêts des pays en développement ? Sachant que la déforestation représente 25% des émissions globales, le coût de la tonne ne serait-il pas directement affecté à la baisse ? Encore une fois, nos efforts ne seraient-ils pas réduits à néant ?
- Enfin, il faut se rappeler l’intérêt du protocole de Kyoto de 1997 et de la Convention Cadre signée à Rio en 1992. L’objectif originel est de réduire de manière drastique les émissions de gaz à effet de serre à l’origine des changements climatiques pour éviter que le réchauffement climatique n’atteigne le seuil fatidique et critique de 2°C d’augmentation. De ce fait, la dernière et majeure question qu’il convient de se poser est liée au fait que le jeu économique mis en place par le marché du carbone est à somme nulle. C’est-à-dire qu’un émetteur achète une tonne à un capteur de carbone, au final, il n’y a pas de réduction réelle des émissions de GES anthropiques (d’où une somme climatique nulle). Par conséquent, l’objectif potentiel et minimal de réduction de 20% des émissions de GES à l’horizon 2020 semble donc très loin et dur à atteindre. Un tel marché économique à somme nulle conduit à s’interroger sur l’ineffectivité finale du système pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Dans le domaine des changements climatiques, il n’y a pas deux personnes dans le couple économique, pas seulement un pays émetteur et un pays capteur, mais un pays émetteur, un pays capteur et enfin et surtout l’environnement et la génération qui vient après la nôtre ! La régulation écologique par le biais de la finance conduit logiquement et légitimement à se poser des questions tant d’un point éthique et moral que d’un point de vue économique et systémique. Il ne reste plus qu’à espérer que ces questions seront posées lors des discussions concernant le REDD.
Genèse de l'idée de l'article : le train Berlin-Poznan est un lieu de rencontres exceptionnelles, avec mon ami Ronny (Allemand du board de BundJugend) nous avons eu la chance de partager 4 heures de train en compagnie d'un expert américain travaillant avec la nouvelle administration américaine sur les questions de climat : Obama et Al Gore !
1 commentaire:
La question qu'il faut surtout se poser dans ce cas-ci, c'est de se demander s'il n'est pas très dangereux de ne considérer les forêts que comme "puits de carbone", d'un point de vue uniquement climatique!
Nous militons activement aux Amis de la Terre pour que les forêts ne soient pas intégrées aux marchés carbone, mais que soit plutôt créé à la place un fonds international de lutte contre la déforestation alimenté par une taxe carbone sur le transport aérien ou maritime.
Car les forêts renferment autre chose que du carbone : une biodiversité unique et de nombreux peuples autochtones.
Voir à ce sujet le dernier rapport des Amis de la Terre International sur "les mythes au sujet du REDD" et le plaidoyer rédigé pour le RAC France par les Amis de la Terre et FNH sur cette page :
> http://www.amisdelaterre.org/Inclure-les-forets-dans-le-marche.html
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